mardi 10 juin 2014

La bulle


09 juin camp 45
Distance aujourd'hui : 143 km
Distance totale : 4392 km
Position: 65.8510 N 41.9093, alt 2000 m
Temps de progression : 7h30

Photo : le soleil, une fois de plus, touche l'horizon. Aujourd'hui nous avons traversé le cercle polaire. A partir de maintenant nous aurons de nouveau de la "nuit", même courte, avec suffisement de luminosité pour kiter pendant les heures les plus fraîches.

Lorsque l'on regarde des photos d'expéditions, on se prend à admirer et à désirer ces moments de libertés et de beauté que l'on y voit. Et si je les regarde ces photos, sorties de leur contexte et bien choisies, je ne peux qu'admettre cette admiration, ainsi que l'opportunité unique que nous avons de réaliser nos rêves.

Ces moments parfaits existent vraiment ; ce sont nos motivations premières d'aller dans ces endroits encore et encore.

Mais souvent, lorsque je repense au moment où les photos sont prises, je me retrouve plongé dans cette "bulle", sorte de prison où je revois toutes ces petites contraintes du moment, ridicules parfois.

N'est-ce pas le jour où nous voulions aller plus loin, mais ne l'avons pas fait ? Pourquoi est-ce que mon partenaire ne m'attend pas, là ; je ne suis pas le rythme? J'ai froid, mais je ne veux pas ralentir la progression en m'arrêtant pour me protéger le visage ; je dois me gratter le nez, mais il est complètement couvert parle masque et les lunettes de ski. Ne serait-ce pas plus confortable d'alléger les chaussures de ski ? Est-ce qu'il ne serait pas temps de changer de voile, avant que ca ne devienne trop difficile de les abaisser ? Pourquoi est-ce que ma capuche glisse toujours de mon casque ? Si je ne comble pas l'espace entre les lunettes de ski et mon masque couvrant le visage je vais attraper des engelures. Pourquoi est-ce la surface n'est-elle pas plus facile ?

Aussi bizarre que ça puisse paraître, il y a toujours quelque chose qui nous empêche de pleinement profiter de l'intense plaisir qu'un tel trip pourrait procurer. Piéger dans une bulle. Heureusement, nous pouvons toujours regarder les photos plus tard...

Après le dîner et quelques heures de repos nous repartons pour profiter encore un peu des super conditions et parcourir de nouveau kilomètres. Après 15 kilomètres de plaisir sous les Beringer 8  grâce aux puissants vents catabatiques du tout début de matinée, le vent faiblit et nous passons à la Speed 4 de 10m². Nous passons rapidement la latitude de la ligne imaginaire entre le sommet de la calotte et le "dôme du sud". Au début la surface était de nouveau couverte par les sastrugies. Après environ 50 kilomètres la surface de la neige s'améliore ; nous nous demandons si cela a à voir avec le fait de laisser derrière le bassin de drainage canalisant les vents catabatiques en direction du glacier Helheim et du fjord Sermilik par une crête. Nord-Nord est cette crête se termine par le "Greenspeed Ridge", point de départ de nombreuses expéditions supportées par hélicoptère pour accéder à la calotte.

Nous somme maintenant assez loin au sud et tard dans la saison ; les températures ont sensiblement augmenté, et nous voyons sur la neige les premiers signes de la fonte en surface estivale.

5 commentaires:

  1. salut les gars, ça fait plaisir de vous trouvez après quelques jours d'absence, vous m'avez manqué. ça fait surtout plaisir de voir que vous avez encore progresser. Quand je pense qu'à pied on planinfie entre 15 et 20 km par jour avec un pulka, vos distances me font rêver et me laisse pentois. On en perd l'échelle des distances du décor dans lequel vous êtes. Comme le dit Johanna, en kyte "le monde est petit et grand à la fois". Aller continuer encore un petit effort et vous y êtes presque.....

    RépondreSupprimer
  2. Belle évocation, Mika et tellement juste ! Cette "bulle" me renvoie humblement à des souvenirs - parfois douloureux - du côté du Setesdalheiene … A bientôt ;)

    RépondreSupprimer
  3. Bulle mais pas BUL (avec le poids que vous trimbalez ! ;-)
    C'est bien en tout cas ces précisions sur "la bulle" qui font suite à votre article de l'autre jour sur les contraintes constantes. On entrevoit un peu mieux votre univers et ce drôle paradoxe entre contrainte/inconfort sur le moment, et plaisir a posteriori...
    Bullez bien ;-)

    RépondreSupprimer
  4. Vu les conditions dans lesquelles vous évoluez, on se doute bien que dans le feu de l'action, il est difficile de se laisser aller à la contemplation, les journées sont remplies de contraintes (plusieurs heures de préparatifs pour poser le camp ou repartir, changer de voilure...) et d'organisation contre quelques moments de "béatitude". Mais c'est le prix à payer pour vivre cette expérience unique, que seuls ceux qui s'astreignent a cette discipline et toute cette organisation, peuvent connaitre et apprécier à leur juste valeur... un plaisir futile, sans autre justification foireuse, comme vous le dites sans détour ;-)

    Belle progression ces 2 derniers jours; allez, là c'est enfin la dernière ligne droite (avec quelques virages si j'ai bien lu votre itinéraire...) un peu plus de 600kms et ce sera la première circumnavigation de cet ordre, en totale autonomie depuis la côte sud !!! Respect !

    RépondreSupprimer
  5. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer